Ma démarche

Je suis peintre et sculpteur. Si la sculpture prend de plus en plus de place dans ma vie, la peinture demeure un médium avec lequel je me sens bien. J’aime le contact avec le canevas, je le perçois comme un espace infini où tout est à bâtir, à raconter. Quelque part, quand je peins, je sculpte. Je creuse le fond de la toile, j’ouvre l’avant-plan, j’y installe mes personnages. Si je dessine un visage, je pense toujours à l’arrière de la tête, même si on ne la voit pas. Si je peins un buste, j’imagine le dos du personnage. Je peins avec tout mon corps. J’avance vers ma toile, je recule, j’y retourne. Mon geste est large, souvent vigoureux, presque sauvage même parfois. Peindre est libérateur. Puis, je me dépose ensuite avec l’argile, dans la lenteur, la minutie et la patience.

Sculpter est un long processus qui demande beaucoup de concentration. Quand je travaille mes armatures, je suis mathématicien et ingénieur. Je calcule, je visualise, je mesure, je teste. J’ouvre ensuite un sac d’argile et je deviens poète. L’argile répond à la caresse. Je ne la bouscule pas, je l’écoute, je la regarde et quand elle m’invite, je la touche. J’entre dans un état presque second. Sculpter est une méditation.

Voir autrement

Je peins et je sculpte sans modèle. Il m’arrive d’avoir besoin de références, mais le cœur de mon travail est intuitif. J’ai reçu, un jour, dans mon atelier, un homme non-voyant qui disait vouloir voir mes sculptures en bronze. Je l’ai guidé d’œuvre en d’œuvre et je l’ai observé. Il posait ses mains confiantes et enveloppantes sur mes sculptures et en parcourait toutes les facettes. Il cherchait à comprendre la composition de l’œuvre. Après un moment, ses gestes devenaient plus délicats et du bout des doigts, il palpait les détails pour saisir toutes les nuances et l’âme de la sculpture. C’était d’une grande beauté. Il m’a enseigné l’importance du toucher dans la sculpture de manière à ce que ma conscience et mes mains ne fassent plus qu’un…

Équanimité

Je crois que mon travail me ressemble. Il est le reflet de mes quêtes et de mes aspirations. Certaines thématiques sont récurrentes dans mes œuvres, autant en peinture qu’en sculpture. Ma plus grande quête, autant personnelle qu’artistique est l’équanimité. J’aime le calme et la lenteur. Je dis souvent que je me sens bien quand il ne fait rien, ni chaud, ni froid, ni soleil, ni pluie. Dans ces moments-là, tout est en suspens. Tout se repose et se dépose. Pour certain, ça peut évoquer l’ennui, pour moi, c’est l’éveil. Ce calme absolu est nourrissant, il est propice à la contemplation et à la réflexion. Je l’insuffle dans chacun de mes personnages. Bien sûr, il y a la vie. Il y a les hauts et les bas. Il y a les épreuves, les remises en question, les déceptions, le doute, les grandes peines. Il y a les changements de cap. Mes personnages passent par tous ces états aussi. Je les place dans des positions précaires où conserver l’équilibre est un effort. Mais la sérénité reste. Elle l’emporte sur tout. Elle est le noyau, le moteur, l’essence. Elle est mon essence.